Cassandre face à la liesse

Il était minuit moins une. La gauche est arrivée en tête, les quatre circonscriptions lyonnaises sont tombées. C’est un grand soulagement pour bon nombre de Lyonnaises et de Lyonnais. Je dois dire que dimanche, en allant voter à Mermoz, j’ai remarqué bon nombre de sourires et de visages déterminés. Déterminés à voter pour le bien commun pour que cela change. La liesse, notamment parisienne, qui a suivi, ne doit pas nous empêcher d’analyser avec clarté cette fin de séquence politique. Celle-ci nous livre trois éléments majeurs.

1. Non, la gauche n’a pas gagné.

À l’heure où j’écris ces lignes, la gauche n’a pas gagné. Elle n’a ni gagné en termes de voix, ni en termes de siège: 10 millions de voix pour le RN, 7 pour le NFP, 6.3 pour Ensemble, 1.4 pour les Républicains. Il est entendu que bon nombre de voix de gauche se sont portées sur des candidats Républicains. Je pense à la candidature d’Élisabeth Borne, par exemple. Tout nous oppose politiquement. Tout.

2. Oui, le RN a reculé par rapport aux sondages.

Deux sièges dans le Rhône pour le RN: du jamais vu. J’ai observé la 13ème circonscription avec intérêt. Cela s’est joué à rien. La recette de la victoire est classique. Le RN a joué l’alliance des classes populaires et bourgeoises dans un fatras démagogique pour envoyer une identitaire à l’assemblée. Les sondages nationaux ont joué leur rôle de démobilisation populaire, c’est un fait acquis. Gardons-nous de nous en réjouir. La situation montre qu’une victoire du RN dans les prochaines années est possible. Les bulletins RN à Lyon existent. Les réseaux sont là. 2026 pourrait signer le retour de conseillers municipaux du RN place des terreaux et dans les arrondissements.

3. La situation en interne de la gauche a connu un changement majeur. Les bisbilles autour d’un ou d’une personne à Matignon révèlent le changement du centre de gravité. Il est désormais à la gauche du PS. La suite des évènements me donnera peut-être tort.

On a vu les observateurs politiques plaquer des desiderata personnels sur des analyses, c’est le meilleur moyen de se tromper. J’aurais pu écrire quelques paragraphes au vitriol sur les unes, les uns ou les autres, soulignant la vacuité politique, le manque d’ancrage local ou les basses manoeuvres. Tout ceci n’a, à part sur un plan interpersonnel, que peu d’importance. Le temps des partis est revenu au niveau national. Ces grosses machines seront à même, pour un temps, de construire en leur sein une homogénéité de votes.

Projetons-nous dans un second temps. Le retour en force de partis sclérosés est une mauvaise nouvelle. J’assume ici la posture de Cassandre. Ce sont les citoyens qui sont allés voter. Ce sont les citoyens qui ont fait campagne et qui ont investi les appareils de campagne. Cela est assez logique, l’atomisation des relations sociales conduit à un engagement à l’échéance. On ne s’engage plus pour militer à long terme mais pour une élection. La question demeure: quelle est la capacité des partis à se nourrir, en termes de proposition, de cette force citoyenne? Je crains qu’elle ne soit dérisoire.

Mais la République vit encore. Elle respire encore. Et c’est la vraie bonne nouvelle.

2 ans. C’est à la fois long et court. La gauche a 2 ans pour éviter que les graines du fascisme ne germent à nouveau et que, cette fois, la moisson soit bonne.

Hier soir, la France qu’on aime a relevé la tête. Si la gauche ne parvient pas rapidement à améliorer les conditions de vie du peuple Français, la France courbera à nouveau l’échine. Il existe une majorité en France qui veut améliorer le quotidien. Aux politiques d’en être dignes.

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