Macronisme, politique et nature: dépasser le vide ambiant par le biomimétisme
L’actualité politique nationale brille par son intérêt et la profondeur des idées qu’elle impose dans le débat public. Stéphane Séjourné, héraut du macronisme, était à Lyon ces derniers jours pour présenter le parti Renaissance. Tout le monde aura compris qu’il s’agit d’une énième coquille vide dont la ligne politique se résume à la défense des privilèges de certains, une certaine stagnation et la défense, de fait, de l’ordo-libéralisme. Le refus de remettre en place l’ISF, la condamnation (encore) de la France pour inaction climatique et la répression des militants, syndicaux comme politiques, ne sont que des exemples parmi tant d’autres du macronisme par les faits. Les partenaires de la majorité ont un positionnement plutôt clair. Le Modem est connu pour ses positions de centre-droit tandis qu’Horizons, la formation d’Edouard Philippe, représente la droite Républicaine de manière plutôt classique.
Séjourné était donc à Lyon, dans ce qui fut le laboratoire du macronisme, préférant le modèle de Gérard Collomb à celui de Laurent Wauquiez. Au-delà de la confusion géographique, c’est bien le positionnement très affirmé des macronistes qu’il faut retenir. Une eurodéputée, Mme Trillet-Lenoir, résume ainsi la nouvelle ligne politique de l’organisation politique en ces termes : poursuivre le dépassement, défendre la cause européenne, combattre les extrêmes. Mon premier est issu d’un post de motivation Instagram, mon deuxième ne veut rien dire et mon troisième surfe sur la vague des fake news présidentielles et du confusionnisme ambiant. Mon tout est vide.
La fameuse théorie du « fer à cheval » consiste à dire que l’extrême-gauche et l’extrême-droite se rejoignent. Les troupes macronistes en veulent pour preuve que le RN a voté la motion de censure déposée par les groupes composant la NUPES. Clémentine Autain revient sur cet élément rhétorique dans un billet de blog dont je conseille vivement la lecture.
Le spectateur regarde ce triste spectacle, les yeux embués. L’inflation galope, les salaires stagnent, les profits s’envolent, la planète brûle, l’avenir s’éloigne, l’immanent présent devient oppressant. L’urgence écologique est là, nous le répéterons autant de fois qu’il faut pour que cela prenne dans les consciences, que les actes cessent et changent et que la politique nous permette, enfin, d’espérer vivre dans un monde meilleur. L’inaction des personnes à la tête de l’Etat depuis que « notre maison brûle » ne nous rassure pas. Elle inquiète, provoque du désarroi dans un monde où l’incertitude fait désormais loi.
L’échelle municipale est la plus à même de pouvoir décliner finement de grandes directives nationales de planification écologique dans le cadre d’une bifurcation. Il s’agit là d’une stratégie acquise. Pourtant, celle-ci manque d’une dimension tactique, d’une manière de procéder de manière plus locale toujours dans une optique de lien respectueux entre l’homme et la nature. Je vous propose ici d’explorer une méthode pour construire et alimenter la proposition politique municipale.
Mimer la nature pour mieux capturer le carbone
Depuis la découverte du feu, l’homme a voulu renouer avec la nature en s’inspirant de ces techniques pour les maitriser. C’est cette approche qui est regroupée sous le nom de « mimétisme » depuis quelques années. Pierre Gilbert, ancien responsable de la rubrique écologie pour Le Vent Se Lève, a couvert dans un ouvrage le concept de géomimétisme. Cette méthode consiste, tel qu’il la détaille dans une interview, à s’inspirer des techniques de la nature afin de capturer le carbone. Dénonçant la géo-ingénierie qui consisterait à construire des machines capables de récupérer du carbone, il décline un éventail de solutions proposées par des scientifiques au niveau mondial afin de rendre la capture de carbone plus vivable ou soutenable. La géo-ingénierie, soutenue par le lobby du pétrole, place donc la solution technique avant la solution mimétique. On touche également ici à la limite du géomimétisme dans la mesure où il ne fait qu’aménager le présent pour conserver la même dynamique. La question de la bifurcation, du changement de pratique, est absente.
Quel intérêt a la proposition de Pierre Gilbert pour une municipalité? Celui-ci nous indique qu’une « commune standard peut diminuer de 15 % ses émissions globales en jouant sur son fonctionnement direct (voiture de fonction, isolation du bâti public, etc.)« . Ces 15 % dépendent donc directement de la volonté politique de l’exécutif local. C’est par exemple le plan de sobriété de la Ville de Lyon. Il y a quelques semaines, l’ensemble des groupes politiques lyonnais, majorité comme opposition, ont décidé d’un plan de sobriété pour baisser de 10 % la consommation énergétique en un an. Il s’agit là d’un début de réduction des émissions globales, malheureusement forcé par la guerre en Ukraine. Pierre Gilbert, toujours citant l’ADEME, nous rappelle qu’une commune « peut influencer jusqu’à 50 % des émissions de son territoire de manière indirecte, par la façon dont elle motive ses administrés à changer de pratiques par ses choix d’aménagement par exemple. Il est possible qu’une collectivité territoriale décide de se lancer dans des chantiers de géomimétisme (remettre en eaux des anciennes zones humides, reforester, etc.). » L’échelon municipal, à l’instar de l’échelon national, a une force d’entrainement dont elle peut se saisir. Cela dépend, bien évidemment, de la volonté politique.
La nature, une source d’inspiration
« Va prendre tes leçons dans la nature », nous disait Léonard de Vinci, il y a fort longtemps. L’inspiration de la nature mène aux avancées techniques les plus prometteuses et les plus perfectionnées. Celles-ci ont eu des milliers d’années pour se perfectionner. C’est là où le géomimétisme s’arrête pour prendre sa place dans un concept plus englobant, celui de biomimétisme.
L’urbanisme et les travaux de voirie sont évidemment les premiers concernés. Recréer des forêts urbaines, des ilots de fraicheur, ne sont ni idées nouvelles, ni solutions de confort. Déjà en 2020, avec le collectif citoyen Lyon En Commun, nous faisions des propositions nécessaires en ce sens, liant à la fois l’inspiration naturelle et le besoin de changement dans la ville. D’un point de vue plus technique, la sélection des espèces d’arbres et de plantes doit s’effectuer en lien avec les contraintes climatiques connues et celles à venir. Il s’agit également du mobilier urbain, de penser l’usage à travers de nouvelles formes, de nouveaux matériaux qui se plient aux circuits-courts. La décision politique doit irriguer cela ainsi que notre commune humanité. Peut-on imaginer du mobilier urbain respectueux de l’environnement mais toujours doté de systèmes anti-SDF?
L’urbanisme municipal dans un cadre de biomimétisme, c’est également retrouver des usages millénaires pour mieux respecter l’environnement. Dans le 8e arrondissement, c’est l’exemple d’un bâtiment des Ateliers de la Danse qui sera construit en pisé. Cette technique ne date pas d’hier puisque les romains l’utilisaient déjà à Lyon.
Que faire de tout cela? Le biomimétisme doit nous inspirer pour créer la cité de demain, le Lyon de 2030, et permettre aux lyonnaises et aux lyonnais de vivre dans un cadre plus adapté à l’époque. Il est loin le temps de Louis Pradel, où il était bon de bétonniser. Les usages doivent changer, et pour qu’ils changent, la proposition politique doit être adaptée, construite et acceptée.
Le biomimétisme, c’est également penser la question des réseaux et de la distance. Si les hommes se rapprochent par les réseaux immatériels, comme Internet, ils s’éloignent via les réseaux matériels. Peu travaillent à proximité de leur domicile. Il nous faut remettre en cause cette logique qui date du Corbusier. Si l’on réussit, la ZFE lyonnaise n’aura plus de raison d’existence. Ne nous leurrons pas, une partie des emplois resteront en périphérie de la ville et les trajets pendulaires seront toujours, dans une certaine mesure, nécessaire. Des quartiers urbains, comme celui de Santy-La Plaine dans le 8e arrondissement de Lyon, sont dépourvus d’emplois et le taux de chômage règne. L’initiative du territoires zéro-chômeurs est bonne dans la mesure où elle permet à des personnes éloignées de l’emploi de s’en rapprocher. Elle se rapproche ainsi de la tactique du biomimétisme.
Pourtant, le flou règne sur la présence ou non de syndicats, la possibilité de se syndiquer en tant que travailleur au sein de l’entreprise à but d’emploi. Ces emplois ne sont pas censés être concurrentiels, dans un quartier où l’industrie n’existe plus et où l’artisanat se fait rare. Les emplois créés seront-ils dignes? Permettront-ils aux salariés de se former et d’acquérir une qualification? S’intéresser aux règles de la nature et s’en inspirer est une manière plus respectueuse de la nature de créer du commun, certes. En revanche, la décision politique ne doit oublier la dimension sociale, le respect de l’homme et de l’amélioration des conditions de travail. Sans cela, la défense de l’environnement se fera au détriment des plus démunis d’entre nous.