Lyon par Cécile Chauvet

Lyon, le thermomètre et le New Deal

La trêve politico-estivale semble terminée. Les universités d’été de la gauche débutent. Cela me rend nostalgique et me rappelle les premiers AMFIS, ceux de Toulouse, auxquels j’avais eu le plaisir de participer. J’y participerai à nouveau cette année, rendez-vous incontournable de la pensée militante.

Comme toujours, les polémiques accompagnent ces évènements. Inviter puis contraindre à l’explication ne me semble pas relever de la politesse élémentaire, insulter non plus. Pas de hauteur, que des embrouillaminis, du gagne-petit, des instrumentalisations à droite, puis à gauche.

Suffoquant.

Suffoquant comme cette fin d’été. En bon Lyonnais, j’aimerais pouvoir flâner sur les quais du Rhône, m’attarder aux terrasses et profiter de la ville. Le thermomètre flirtant allègrement avec les 40°c, les seuls lieux agréables sont le domicile ou les musées ouvrant gratuitement leurs portes aux Lyonnaises et aux Lyonnais. On aurait pu envisager la gratuité des transports en commun pour faire baisser le nombre de voitures sur les routes lyonnaises ou encore la gratuité des piscines municipales. Raté. Bien sûr, les mairies ouvrent les portes de leurs espaces climatisés pour un instant de répit et des commerçants se joignent à l’élan de solidarité. Les aménagements sont là. Mais que dire de la séquence politique qui se déroule sous nos yeux ?

Rien. Nada. Le vide béant. La proposition politique gouvernementale est vide. Je ne moque pas la mise en place d’un numéro vert. C’est tout à fait utile pour les personnes âgées, isolées, qui peuvent trouver conseil. Je moque le fait que ce soit l’unique mesure d’envergure nationale. La macronie est sur répondeur. Vite, un numéro vert !

Suffoquant.

Ah non, les ministres sont à Lyon. Le ministre de l’environnement, même ! Rendez-vous compte. Il est venu pour saluer les bonnes pratiques mises en place par la mairie. Tant mieux, elles sont essentielles et devraient être étendues partout où c’est possible. Mais c’est là que le bât blesse. Je ne me félicite pas que la politique de l’exécutif à Lyon soit louée par le droitier Institut Montaigne, tout comme je ne me félicite pas du bon point donné par des ministres macronistes. Il ne vaut rien. Pire, nous devenons ainsi les faire-valoir du béant national. Ainsi, rien n’a changé. Pas d’interdiction de circuler pour les véhicules les plus polluants, pire, on réfléchit dans le prochain budget à arrêter les bonus écologiques ! Rien n’a changé dans les transports, les sociétés autoroutières se gavent toujours plus sur le dos des Françaises et des Français dans un marché dopé aux subventions, qui elles, ne s’arrêteront pas.

Alors oui, les muscadins (boutiquiers en argot lyonnais) sont de sortie. La droite lyonnaise, subitement plus verte que José Bové, ne trompe personne. Charles de Lacombe a publié une intervention (https://www.lyonmag.com/article/131689/canicule-a-lyon-a-qui-la-faute) dans Lyon Mag’ qui me plait assez et relève l’hypocrisie d’un certain nombre de personnalités. Pourtant, on en reste à planter des arbres.

Suffoquant.

Car on en reste à aménager le dérèglement climatique. Vous me pardonnerez l’absence de vocabulaire catastrophiste et cataclysmique. La force du militantisme réside dans l’optimisme de la volonté et le pessimisme de la pensée. On ne convaincra pas les résignés en les déprimant. On convaincra de la nécessité de la planification écologique (réelle, pas fantasmée depuis l’Élysée) par des arguments, des faits et surtout un lendemain enviable.

C’est à ce point précis que je voulais en venir. Aménager le dérèglement qui s’annonce est nécessaire. Changer nos usages, nos modes de vie, nos modes de production, bref, mettre en place la planification écologique, c’est salutaire. Je suis assez frappé de la dimension culturelle du New Deal de Roosevelt, dans les États-Unis post-crise de 1929. Des artistes furent commissionnés pour créer des fresques, des sculptures, réaménager un paysage visuel afin qu’il accompagne le changement d’environnement, la création d’ouvrages d’art et le corpus de lois qui tentait de répondre aux exactions financières délétères de l’époque. Ce changement culturel est nécessaire et il passera par l’art. Les visuels que l’on nous impose sont ceux d’une opulence crasse. Ces yachts, ces jets, cet ultra-luxe, ces magasins clinquants où brille l’inutile reflètent le saccage que nous imposons à notre planète. Il nous faut un changement complet de société, où tous les échelons politiques du pays ont une carte à jouer.

Cela suppose abandonner la logique de travail par projet, partout. Il nous faut adopter la logique du plan, à court, moyen et long terme. C’est par exemple, le plan Climat Air, adopté par la Métropole et la Ville de Lyon. Nous pourrions élargir, au sein de la Ville de Lyon, les prérogatives de ce plan. Elles ne concernent pour l’instant que les équipements municipaux. C’est en ayant des plans d’investissements et de changements structurels que nous changerons réellement les choses. ¼ des changements nécessaires pour ralentir et endiguer le dérèglement climatique sont à faire dans notre quotidien. C’est notre part. Les ¾ restants sont systémiques. C’est la part du politique. Alors, il faut légiférer, contraindre, orienter. Et ce n’est qu’ainsi que nous pourrons, peut-être.

Respirer.